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Serge Fauchier

 

Nouvelles notes de travail - Extrait

A considérer l’ensemble de mes peintures, l’alternance entre éparpillement et rassemblement apparaît d’importance ; des moments de densification succèdent à des périodes où la place et la capacité d’expansion sont laissées au blanc.
Depuis 40 ans, je me rassemble ou m’éparpille en incluant les blancs que je fais paraître. L’espace engendré par mon travail fait preuve d’une constance telle que son évidence renforce mon sentiment de ne pouvoir échapper à ce qu’il développe, et ce malgré mes soucis d’avancée et de déplacement.
Ainsi donc, je ne m’échapperai pas !

A placer côte à côte une peinture de 1974 et celle que j’aurai faite aujourd’hui, je retrouve les mêmes qualités de couleur et d’espace, même si je me souviens que des intérêts différents ont pu les motiver. C’est comme si un développement intrinsèque avait persisté et continue de le faire à ce jour, se gaussant de toutes mes focalisations et de mes décisions aux velléités sans lendemains.


Mes peintures sont toutes découpées au fil du pinceau sans plus de matière que ne l’exige la couleur pour se former.

Elles se jouent de la réversion entre positif et négatif, blanc et couleurs, peint et non-peint.

Mes peintures se constituent en périodes alternées de dispersion et de rassemblement, succédant ordre et désordre, rangement et chaos.



Ce que propose la peinture est une vue sur l’invisible, l’invisible étant dans ce cas ce qui n’est pas regardé.
Cela laisse entendre que plusieurs types de perception s’opposent ; d’une part une perception courante, tant venue de l’éducation que sociétale, et une autre, plus souterraine, qui serait la vision réelle en son temps. L’homme se transformant au gré des époques, changeant au gré des techniques ses approches du monde, modifie de même ses modes perceptifs.
Cette perception n’est pas empêchée, mais elle est chargée de suspicion, car ses venues et exercice mettent en cause l’édifice des visions convenues sur laquelle s’instaurent les pouvoirs.
La vision actuelle repose à la fois sur les modes institués, dont il est difficile de se départir, et sur la différence que fait valoir celle qui s’en détache, en jouant de l’inversion des signes et d’attentions nouvelles portées à ce qui, faute d’attention ou de compréhension, demeuraient dans l’invisible.
La peinture s’attache à susciter cette perception du monde et des choses avec une conscience de son temps qui la garde de tout statisme, car ce qui importe est de ne pas fixer le regard mais plutôt de le déplacer alternativement de positif au négatif, du vide au plein, de l’ordre au désordre et le rendre ainsi inquiet et disposé à la mouvance.

L’invisible est ce que nous ne voyons pas parce que nous ne le regardons pas. Cette absence de considération est due à notre incapacité soit à percevoir, ou seulement porter attention à ce qui se trouve pourtant à proximité.
Il faut qu’à un moment les formes longtemps usitées viennent à se percuter, que le désordre revienne pour appeler à nouveau la part d’invisible. C’est en cela qu’aucune forme, aussi efficace qu’elle soit, n’est pérenne. Il faut que çà baille à nouveau, que les espacements ne soient plus aussi sûrs et que les couleurs s’avilissent. Certains tableaux échappent toujours à la clôture, comme s’ils résumaient à eux seuls, à leur seule ouverture l’exigence du doute qui génère toute peinture.

Des livres, tels Ulysse, Finnegans Wake, encore Moby Dick, lus et cent fois recommencés, réservent aussi une part d’ombre en continu qui ne les fera jamais définitivement refermer.

Il est parfois des moments, des périodes, où je me rassemble, me condense autour d’une forme que je vais, un certain temps, accompagner ; à d’autres, je me sépare, me fragmente, répartissant des éléments de travail en des lieux séparés, que je rappellerai au moment venu. Je les ferai revenir porteurs d’un supplément : l’épaisseur du temps de leur éloignement fondue à celle des nouveaux intervalles parus.

S.Fauchier

Extrait de " Passages à l'acte "

Chaque période de mon travail se signale par un mode, une forme découlant d’un protocole de travail. Celui-ci se découvre à la suite d’une ou plusieurs expérimentations qui conduisent à sa définition. Son caractère minimaliste, une de ses conditions primordiale, est d’ouvrir un champ de traitements le plus vaste possible, ne pas restreindre ni brider l’exercice pictural, enfin autoriser le maximum d’enchaînements possibles aux couleurs.
Chacune de ces périodes privilégie un geste qui correspond aussi bien au tracé qu’il enchaîne qu’à la façon conséquente d’appréhender la surface des supports. Depuis ses débuts mon travail est porté par une succession de quelques gestes précis qui font parfois retours, modifiés et réinterprétés.

Si je pense que je suis un peintre d’après la peinture, cela peut s’entendre de deux manières dépendantes l’une de l’autre, qui se croisent et s’échangent : La première est que je suis arrivé alors que sa fin était déjà prononcée, même si cela ne m’a pas empêché de continuer à la produire dans des conditions qui devenaient, et restent encore, à réinventer. La deuxième est que je peins d’après la peinture, d’après ce que la connaissance que j’ai d’elle m’enjoint de faire, sachant que cette connaissance s’est établie dans des formes et tournures qui prennent activement en compte cette annonce d’achèvement.
Il ne faut pas croire que mon attitude soit d’obstination à vouloir ainsi poursuivre ce qui serait obsolète pour ne plus entrer en concordance avec l’époque. Si je persiste c’est que la peinture, à demeurer, se trouve dans l’obligation de trouver ses sujets qui, regards aux exigences du temps, n’ont plus rien de commun avec ceux de son passé.
La peinture, aux tournants des ses pratiques, vient maintenant questionner ses formes, l’alternance de ses accès à la visibilité et de ses disparitions, interrogeant les stances de ses formations et de ses perceptions pour croiser et anticiper, comme par écho, les pensées nouvelles susceptibles de modifier les us et comportements humains.

Serge Fauchier

Extrait de « Traité de peinture »

« J’ai fait des gestes blancs parmi les solitudes »
 Guillaume Appolinaire
 
Je ne fais que dessiner les blancs ; toutes mes entreprises concourent
à cette fin : les faire paraître.

Je mets de la couleur afin qu’elle me permette de préciser et dessiner 
leurs contours, bref, qu’elle les réalise.

Les blancs sont des absences qui s’emplissent, ils aident à redéfinir et 
retendre les fils qui permettront la redéfinition d’une carte du ciel.

Les blancs sont tout ce que nous ne regardons pas, d’oubli ou de retenue.
Ils sont tels ces temps vides, d’absence ou de suspension, auxquels aucune
attention distincte n’est portée, et qui néanmoins, à notre insu, influent
le cours des choses vécues.

Les blancs sont les réceptacles et réservoirs des non-dits, de la multitude
des moments éludés, à la fois dérisoires et trop suspects pour être
considérés, seulement vagues si pris sous l’angle de vue commun, ou 
à l’inverse porteurs de parts obscures.

Donner forme à l’absence, est-ce encore l’entretenir ?

Novembre 2013 - S. Fauchier