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Laurent Ribérat

 

Peintures de 1950 à 2002

Lorsqu’il nous confiait ses tableaux, il interdisait que l’on parle de lui personnellement. : “Pas de pipeau !
... La peinture, seulement la peinture !”

Montrer n’est pas si simple et son œuvre nous est aujourd’hui trop présente pour envisager une rétrospective. Nous désirons pourtant la donner à voir dans son ensemble depuis les années 50, jusqu’aux œuvres les plus récentes de 2000 à 2002. Si nous ressentons l’homogénéité entre les différentes périodes, la duction personnelle qui court du tout début à la fin, nous n’avons pas encore la distance nécessaire pour en évoquer clairement le parcours. Cette présentation devrait nous permettre de faire évoluer notre regard et nous aider à la réalisation du catalogue en cours de préparation.

Laurent Ribérat, Le peintre clandestin de Céret

Nombreux sont les peintres de ce bienheureux pays catalan, éclairé par le St Elme fauve de Colioure et la torche cubiste de Céret, qui n’ont jamais su prendre la mesure des trésors légués. Laurent Ribérat ne fut pas de ceux-là. Tétant la sève des platanes de Céret. Toujours, ou presque en cachette. Comme un alchimiste, ou par pudeur, ou comme si l’art était une activité délictueuse pour ceux qui viennent d’en bas ou n’ont connu de l’école que les buissons.
L’homme se prit au jeu du pinceau, des traits et des couleurs. C’est de son jardin au pied de son figuier (sa nourrice mystique) quil a observé le monde, qu’il a dégusté son temps. Il a regardé la campagne, son village. Il épousa la nature et poussa, avec la prudence du timide, la porte du musée de son lieu. Le peintre ne tarde pas a comprendre que l’enjeu c’est aussi de passer de l’art graphique à l’art plastique. Le voilà, « accroché », « embarqué ».
A la fin des années 50, il quitte les rivages de la figuration (jamais il ne les perdra totalement de vue) pour aller plus avant dans la peinture, dans l’image. Il s’y installe, et les travaille «de l’intérieur». Naïvement ? La bonne blague !
Les « tableaux », n’étaient pas pour lui des drôles d’oiseaux, mais des chants envoûtants – la musique aura toujours chez lui une place de choix . Il a donc lu et écouté. Dessiné, peint, fabriqué… A sa façon : sauvageonne, en marge, sans bousculade. Presque anonyme ou « artiste clandestin ».
Dans le secret de son atelier, sans doute dut-il nourrir des rêves de sérieux et de grandeur. Il rêva certes : « il ne fit pas l’artiste ». Il s’exprima toujours avec la gourmandise de la vie. Lui : un amateur pas pressé ! Le tic-tac de la pendule de la Reconnaissance ne le préoccupa jamais. Il resta toute sa vie fidèle à ce portrait. Pourquoi au soir de sa vie, aurait-il eu de l’amertume à se retrouver sur les cimaises du Musée d’Art Moderne de Céret. Le « sanctuaire » qu’il avait vu naître, se développer, s’agrandir ; et qui naturellement, le nourrit. N’était-ce pas comme la petite revanche d’ « un laissé-pour-compte » ?
De son vivant, les œuvres de Laurent Riberat n’auront guère encombré les cimaises. Aujourd’hui, elles sont là vibrantes de santé, « à découvrir ». Regardons-y de près. On peut juger sur pièce. Et d’abord de l’évolution d’une production. Quelque entomologiste repèrerait dans ce long parcours graphique et pictural (cinquante ans ) qui est proposé, des airs de ressemblance avec des variétés communes, et pourrait lui accoler l’étiquette « de ci » et l’étiquette « de là ». Il pourrait ainsi épingler sur son cahier un demi-siècle d’histoire de l’art. Mais est-il question de cela ? Non l’important : c’est le destin de cet homme, son témoignage, sa capacité d’expression et sa faculté de pouvoir nous retenir, nous émouvoir. On peut commencer à lui rendre justice.

Jacques Quéralt

Laurent Ribérat, le voyageur immobile.

Il est parti, avec la discrétion des modestes, juste après que le Musée d’Art Moderne de Céret lui offre ses cimaises, à lui le frustre, le rustre,(..) préférant étaler ses talents de pétanqueur sur le foiral plutôt que de sortir au grand jour les dessins et les peintures entassées au fin fond de la cave de sa petite maison de St Jean-pla-de-Corts.
C’est en se retrouvant chez la bourgeoisie allemande lors de sa période au S.T.O, durant la Seconde Guerre mondiale que le jeune Ribérat découvre la peinture, son espace de liberté, son pouvoir émotionnel. Ses œuvres les plus anciennes datent de 1950 et l’on est ému face à cette figuration où l’on devine des influences parfaitement contrôlées, Matisse, Krémègne et ou apparaissent les thèmes et les constantes du peintre, la nature, les bougies, les oiseaux et imperceptiblement le mouvement. (..) Très vite, l’abstraction s’impose, avec quelques références à Pignon, et là le mouvement est roi, dans le graphisme et dans la perception, la figure vient encore ponctuer çà et là ces grands formats où vibrent la puissance physique et l’énergie de l’artiste perdu dans ses rêves d’ailleurs et dans la contemplation de ses chers paysages du Vallespir.
(..)(Sur) un petit format ces mots : Partir et ne pas revenir. Combien de fois j’ai rêvé de lointains paysages. Il rêvait beau et bien, lui qui ne quittât jamais son coin de terre.

Jean-Michel Collet (Extrait, l’Indépendant 10/02/04)


Laurent Ribérat, un Sisyphe du sensible.

Dernier envol. Le vieux marin de Saint-Jean-Pla de-Corts, à la chevelure chenue et à la peau tannée a fini sa vie d’homme avec l’alcyon. l’oiseau légendaire avait trouvé sa demeure dans un atelier envahi de papiers reproduisant instinctivement la silhouette d’un mythe devenu réalité. Une ombre non portée écrasante de peinture qui résume le cheminement de l’artiste. Réfugié en Vallespir au sortir de la guerre, l’anar avait subi la colère des dieux. Interdit de paradis terrestre. Interdit du Banuyls de son enfance et de l’amour de sa vie; il se retrouve pleinement dans le cri de complainte de l’alcyon. La légende grecque devient son histoire. Celle d’un bonheur jalousé par les dieux de l’Olympe et à l’issue fatale. (..)
Riberat sans son « Ophélie »était pour sa part , condamné à recommencer infatigablement ses dessins. Une sorte de Sisyphe du sensible. Des premières peintures aux constructions massives et aux coloris sans artifices, il prend sous l’aille protectrice de Pinkus Krémègne et de Franck Burty Haviland, le chemin dicté par le mouvement COBRA. Peinture de l’instinct, compositions pulsionnelles; la figuration n’est jamais complaisante. Elle décrit un univers intérieur, inscrite dans la chair et pétrie dans les songes. Ribérat mène alors une double vie.
(..) Pudique en société, intègre dans son art. Il ne peut plus mentir à sa toile. Les images naissent de la totalité de son être. Dans cette quête absolue, les modes esthétiques n’ont pas droit de cité. (..) Ribérat s’affronte aux forces de la nature. Ses dessins s’épurent et deviennent simple évocation. A la recherche de l’essence des choses, la réalité transcrite devient surréalité. Une réussite. Ribérat se considère enfin comme peintre et s’accorde le droit d’exposer. Grâce aux cimaises de la Grande Arche de Paris et du Musée d’Art Moderne de Céret, il permet au public de découvrir son univers. Il commence à plus de 70 ans sa série sur les alcyons. Un dernier salut adressé à l’oiseau marin des plages banyulenques et pour affirmer que tous les paradis luis sont désormais accessibles.
Même celui de la postérité.

Eric Forcada - (Extrait, La semaine du Roussillon - 26/02/04)

Laurent Riberat - L’insoumis

(...)«Lorsque je travaille, je recouvre, j’efface, comme si j’avais la mémoire de la peinture»
explique Riberat. (..) Ses lectures d’écrits théoriques de Malévitch ou de Delaunay le confortent dans la quête personnelle qui le dévore. Il aborde la peinture par les chemins de traverse, découvre dans les revues les grands peintres du siècle qui le pétrifient jusqu’à abandonner son travail pendant plusieurs mois. « Vagabond depuis tout petit, je le suis aussi en peinture.»
Son travail buissonnier pourrait s’apparenter au mouvement Cobra, qui se définissait comme un art en liberté en réaction au surréalisme, jugé trop intellectuel. Mais s’il puise son inspiration dans la naïveté et la spontanéité, Riberat, l’anarchiste au cœur tendre est difficilement classable dans une quelconque école. (...)
Au dos des œuvres, des titres, parfois même des phrases, analysent ou complètent l’émotion peinte. (...) Humble devant les grands peintres de toutes les époques, il perçoit dans certaines étapes de son œuvre les moments où il s’est le plus approché de cette « représentation presque parfaite du temps qu’est la musique » - une autre de ses passions. Mais le temps reste impossible à saisir (..) Riberat, l’insoumis fait chaque jour un pas de plus dans la quête d’une hypothétique perfection picturale.

Jean-Claude Marre - (Extrait , Terre Catalanes Septembre 2001)