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Jacquie Barral

 

Eloge du dessin

Le dessin est plus saisissable que la peinture, il est « un art premier « : même sophistiqué, il reste simple et garde quelque chose de fondamental. Notre culture se souvient quelque part qu’il est situé dans les origines de l’humanité.
J. Barral - Regards croisés, propos d’artistes N°2. Editions J.P Huguet 2000


A considérer son sens premier, disegno, vers lequel il fait aujourd’hui retour, le dessin est en effet d’abord un dessein. Qui dessine nourrit le projet d’abolir la distance qu’il mesure entre lui et la réalité. C’est un passage. Il apparaît ou réapparaît chaque fois que l’art se heurte à une impasse ou une impossibilité. De la l’innocence fondamentale de celui qui fait aujourd’hui projet de dessiner. Campé devant le monde comme si celui-ci avait encore quelque chose à lui dire et dépouillé du scepticisme de ses contemporains, c’est à nouveau l’ être nu et primitif des aubes de la civilisation. Tout commence avec le dessin et tout peu avec lui recommencer.
J. Clair - Considération sur l’état des beaux-arts; NRF Gallimard 1983

Ce qu’il faut dire, ce que je crois, c’est que, qu’il s’agisse de sculpture ou de peinture, en fait, il n’y a que le dessin qui compte. Il faut s’accrocher uniquement, exclusivement au dessin. Si on dominait un peu le dessin, tout le reste serait possible.
A. Giacometti - Ecrits 1931-1971, collection savoir : sur l’art Hermann 1990

Collages

Le collage est une procédure qui permet des chocs, des césures, des juxtapositions, des plans abrupts. Je l’utilise à toutes les échelles et dans beaucoup de matériaux différents, papier, transparent, calque, ainsi qu’en sculpture, sérigraphie, photographie, à deux ou trois dimensions.

Cette technique m’a permis aussi de travailler sur des archives familiales, géographiques, des images diverses… en mêlant mes propres traces graphiques à des écritures, à des dessins de plans de mon grand-père qui était appareilleur et maître d’œuvre. C’est un moyen de construction et de rapprochement, voire d’écrasement du temps et de l’espace, que j’utilise souvent. Quelques titres de séries : «entre les jours», «les fenêtres», «le livre des explorateurs», «plans sur la comète», «journées de mer», «les mois», etc.

J. Barral

Dessin

Depuis la série des autoportrait présentés en 1992, J. Barral poursuit à travers son œuvre une sorte d’inventaire du paysage, de l’espace et plus précisément du souffle qui les animent.

Ses paysages sont élaborés à partir de souvenirs, de sensations de territoires traversés. Ils sont de nulle part ou de toujours.
Ils ne renvoient pas à des espaces nommables ou identifiables. Ils représentent comme un fragment du monde, mais constitués de strates et de regards multipliés.

Après les séries des «Talus», des «Grands champs», des «Paysages sur cartes anciennes» ; puis les «Baïnes», les «Fenêtres», les «Découpes», paysages fragmentés rendant compte au plus prés de notre perception contemporaine; voici les "Nocturnes" "Archéologies " et "Voutes céleste"

Peu d’artistes se sont consacrés au dessin. Qualifié au mieux d’austère par certains, tout juste bon pour des études préparatoires, forcément dépassé par les nouveaux médiums, le dessin n’aurait-il plus rien à nous apprendre ?

L’œuvre de J.Barral lui est tout entière consacrée, pour preuve du contraire.

Paysages en fêlure ou Paysages en fleurs

Paysages en fêlure ou Paysages en fleurs
Entretien Jacquie Barral Christel Valentin
L’entretien pour la revue "Ecritique"porte sur une série de travaux récents réalisés en mars 2014 : « les Rabattements  ».

Ecritique : Votre travail récent se fonde sur la mémoire des paysages de votre enfance. Dans la région de Montpellier, vous avez vu disparaître petit à petit ces mas aux cyprès typiques au profit d’une urbanisation galopante. Vos « paysages en fêlures » semblent ré-architecturer sans cesse cette mémoire collective qui se délite. Quel a été le cheminement de ce processus créatif ?

Jacquie Barral : Il est très intuitif, je m’en suis rendu compte totalement après coup. Je suis revenue aussi dans la région de mon enfance où j’ai maintenant mon atelier. Les réminiscences affleurent d’autant plus. Ma grand-mère avait un petit mas avec vignes et oliviers, à Montpellier on appelait cela une « campagnette » : ce monde se définissait par un espace clos et organisé autour d’éléments essentiels comme le puits (pas d’eau courante, ni électricité, ni confort, bien sûr), la maison, la cave, le figuier, la cour, la basse-cour etc. Et tout ce monde vous attendait derrière un portail vert entre deux piliers et les deux cyprès de l’entrée. Je me concentre sur ces deux cyprès de la Villa Hélène, avant de faire mes premiers traits. C’est une forme d’appel, de rituel, pour me donner force à peindre. Sans doute sont-ils l’image substitutive de ma grand-mère et de mon grand-père. J’ai beaucoup dessiné et peint en plein air, sur le motif, dans cette propriété. Représentant au départ, en première trace, ces cyprès de façon d’ailleurs très géométrale et quasi abstraite, je sens bien que je veux les représenter avec toutes les constructions sociales et familiales, et pour ainsi dire paysagères, qui vont avec. Ces cyprès-figures dressées dans l’espace, sont les principes mêmes de cette « déterritorialisation » dont parle G. Deleuze et F. Guattari. Mais c’est un peu la quête d’un monde, d’un paradis perdu, une « recherche du temps perdu » que j’effectue. D’autant plus que des paysages peints sur le motif avec mon père, il ne reste plus grand-chose. Montpellier, mégalopole poussée aux hormones des politiques, est devenue une sorte d’urbanisme galopant et mal géré, car programmé avant tout en fonction de systèmes financiers et commerciaux exponentiels.
J’aborde l’espace de la page comme un espace de projection d’un monde encore là par endroit (tout n’a pas été saccagé par l’expansion périurbaine, il faut s’en éloigner encore plus pour retrouver parfois les paysages d’autrefois). Et comme un maître d’œuvre justement, je commence par tracer des clôtures, un plan de jardin en quelque sorte, où je découpe ensuite au cutter un arbre ou deux arbres qui vont faire une forme forte dans la matière même du dessin et de la peinture : sorte de rupture et façon de dresser à nouveau à trois dimensions et dans l’espace, ces cyprès intériorisés… Mais il y a encore beaucoup de cyprès et de pins à Montpellier, heureusement. De mon atelier, j’en vois deux magnifiques avec autour des lauriers, micocouliers, abricotiers... Mon atelier est « aux Aubes », quartier de villas vieillottes, bâties sur des terrains de maraîchers en bord du Lez.

Ecritique : Ce travail entretient un lien intéressant avec le mouvement Support/Surface. Quels rapports avez-vous avec ce mouvement?

JB : Il est du sud ce mouvement, je l’ai connu et mal compris quand il est arrivé en force dans la région. Je l’ai ensuite beaucoup aimé, ce raz de marée artistique avec ces artistes. Je connais ce qu’ils font aujourd’hui. J’aime suivre leurs trajectoires, à chacun, très différenciées. Ils sont pour moi une référence importante.

Ecritique : Quels sont les liens qui vont parfois interagir sur vos recherches?

JB : Sans doute une façon d’attaquer le travail. Une manière abrupte de prendre les évènements graphiques et picturaux. Se poser, se placer, comme à la source du geste ou d’une opération plastique. Ne pas tracer pour rien. Radicaliser.
Cela suppose une tension dans une grande énergie.

Ecritique : Cette radicalisation plastique traduit-elle la radicalisation urbaine dont vous parlez ?

JB : Il y a sans doute entre les deux une forme d’écho ou de principe analogique. En même temps, tout peut être paysage pour un peintre. Attendre à un feu rouge, en pleine zone d’extension urbaine, voir des fenouils, des gravats et trois piquets de chantiers rouillés, sont aussi des supports visuels paysagers, des structures d’espaces à construire sur une feuille de papier et mêmes des choses émouvantes. Notre inconscient, armé de cette ligne de continuité intérieure qu’il construit malgré nous, fait que nous sommes capable de nous émouvoir d’un capharnaüm urbain dans le fond, car nous le vivons et nous le parcourons du regard quotidiennement. Nous y projetons à notre insu des choses profondes qui nous concernent, des « signes », dirait G. Deleuze, qui nous permettent de l’apprivoiser lui aussi, dans toute sa nouveauté et sa radicalité.
Ce qui animait mes paysages d’autrefois faits sur le motif avec mon père, au delà du pittoresque, c’était aussi une mémoire héritée et transmise. Aujourd’hui, ma mémoire a su interpréter, rêver ces nouvelles zones urbaines chaotiques. Le monde est bourré de sensations diverses d’une grande beauté quoi qu’il arrive. C’est la force même de l’art de les extirper de n’importe où et de n’importe quoi.

Entretien Jacquie Barral Christel Valentin

Les Nocturnes

Les Nocturnes sont un ensemble de dessins en rapport avec la nuit. Les outils : graphite et crayon. Il y a aussi des formes gravées dans l’épaisseur du graphite et puis de l’estompe par endroit. Ils comprennent des séries :« lesarchéologies »,
« les voûtes nocturnes » d’un format 80 x 60 cm en BFK Rives, « les globes » tondo de 25 cm de diamètre, « les petits bouts de la lorgnette » tondo de 5 cm de diamètre et d’autres réalisations sur Hahnemuhle ivoire.

« Les archéologies » sont des utopies d’espaces désertiques et d’architectures, accompagnées de plans dessinés en dessous de la vue d’ensemble. Elles s’inscrivent dans une veduta. C’est un travail qui fait suite aux utopies (Mammisis) tracées pour un livre édité à Fata Morgana avec Michel Butor : Monologue de la momie.

« Les voûtes nocturnes » sont des visions du ciel nocturnes avec nuages, comètes, voix lactée... en référence à des planches cartographiques. La découpe demie circulaire qui les contient évoque un microcosme, un monde sous coupole, sans échelle et hors du temps. Cette portion de sphère reste ambigüe dans son rendu, à la fois modelée et en volume mais aussi plate et comme frontalisée. Simple relevé d’une vue du ciel ou approche cosmique, cette vision paradoxale appartient à la fois à l’éternité et à l’instant présent.

« Les globes » et « Les petits bouts de la lorgnette » font allusion à une carte du ciel, une vision au télescope. « Matière à mémoire » et « le fil du temps », deux séries en cours sur papier Hahnemuhle, 42x58 cm poursuivent cette recherche dans la série : les Nocturnes.

Jacquie Barral

   

« Le dessin est un rythme spirituel qui va incessamment du contenant au contenu et du contenu
au contenant. C’est le rythme de la limitation et le procédé d’intégration des entités. »

A. Derain - Notes

« Ce qu’il faut dire, ce que je crois, c’est que, qu’il s’agisse de sculpture ou de peinture, en fait, il n’y a que le dessin qui compte. Il faut s’accrocher uniquement, exclusivement au dessin. Si on dominait un peu le dessin, tout le reste serait possible. »

A. Giacometti - Ecrits 1931-1971