Germain Bonel
Autodidacte enraciné dans sa terre catalane...Il tourne le dos aux querelles qui opposent les tenants de l’abstraction aux partisans d ‘un réalisme trop didactique. Il choisit la figuration et interroge avec force le monde qui l’entoure.
Bonel est un témoin intuitif des années 1950-1980. Son œuvre donne à voir des sujets issus de la tradition, portraits, nus, scènes de genre et nature mortes. Son œil saisit l’intimité d’un intérieur, la puissance d’un corps comme l’expressivité des musiciens. Il dépeint aussi une société de loisirs, des baigneurs, des sportifs et en particulier des cyclistes.
Son goût pour les grands formats signale sans détour l’audace du professionnel en prise avec la modernité de son temps. Les compositions sont solidement architecturées, elles renforcent la tension des personnages, elles ordonnent les déformations anguleuses du sujet. Elles s’associent à des cadrages souvent audacieux, à des vues rapprochées en contre plongée qui accentuent l’effet monumental du modèle.
La force expressive de l’œuvre se manifeste par un graphisme brut, inspiré de l’art de la taille, qui rappelle l’approche de Matisse. Des cernes sombres et épais structurent les plans, ils contiennent la couleurs et donnent corps à des formes massives et équarries. Les variations du trait, celles de la ligne soulignent l’évolution de la manière de Bonel qui est due notamment à l’intérêt qu’il porte à l’art extême-oriental. Après 1960, l’atmosphère hiératique parfois sévère qui émane de ses œuvres s’estompe au profit d’un expressionnisme sensible, dynamique qui célèbre la rapidité d’exécution et la tension maîtrisé du geste.
La puissance tellurique de cette peinture s’exprime également par l’emploi d’une palette aux tonalités assourdies. Contrairement aux peintres de la génération précédente qui privilégiaient la lumière, Bonel étudie la vigueur de la matière. Elle s’impose à nous par la matité des teintes et la robustesse d’une facture qui favorise la trace et l’épaisseur du médium.Son ami François Desnoyer définit ainsi ses recherches : « dessin, valeur, couleur, tout est utilisé au maximum dans sa peinture».
Outre Desnoyer, Bonel se lie d’amitié avec Henri Frère, l’élève de Maillol et le peintre André Susplugas ; il se forge une solide réputation qui le conduira à être nommé professeur à l’école des Beaux Arts de Perpignan. Dés 52 il est sélectionné par ses pairs au Salon d’Automne: il est nommé sociétaire moins de dix ans plus tard.
Il participe à de nombreuses expositions personnelles et collectives à Paris, chez Apesteguy et à la Galerie Bernheim Jeune; à Toulouse à la galerie Simone Boudet mais aussi à Londres à la galerie Adams et à la Redfern Galerie. Il bénéficie de la reconnaissance de Louis Carré, l’un des marchands les plus renommé de l’après -guerre et de Georges Besson le critique influent des «Lettres françaises».
Certains des aspects de l’œuvre peint de Bonel rappellent les recherches plastiques d’artistes de l’Ecole de Paris, d’autres convoquent le souvenir de celles de Gruber, de Grommaire ou de Fougeron. Mais Bonel n’est ni l’héritier d’un maître, ni un épigone provincial, sa peinture incarne et nous invite à apprécier les derniers développements d’un système plastique moderne dans l’esprit des peintres dits de tradition française.
Extrait - Philippe Viguier , Historien d’Art

... Perpignan, Paris
Paris avait était livrée à la Catalogne, il y a longtemps déjà, par Maillol à l'étroit dans Banyuls parmi ses tisseuses de laine, puis il y a une quinzaine d'années par Pierre Gracia-Fons, mal dans sa peau à l'ombre du château des Rois de Majorque. Le mois dernier, c'était au tour du peintre Susplugas de camper à Montparnasse. (..) Nous en reparlerons. Vous ne connaissez pas Susplugas ?
En 1962, connaissiez-vous Germain Bonel, qui connaissait Bonel à Paris il y a trois ans ? Il était arrivé sans chercher à épater, mais sans être épaté lui même par l'accueil qui lui était réservé par quelques amoureux de Céret, Sorède et de Perpignan. Il était arrivé rue de la Boétie avec armes et bagages : des brosses expertes qui n'en était pas à leur premier engagement, une palette aux munitions bien choisies, une préface de François Desnoyer qui avait un petit air de cobla...et une soixantaine de paysages et de figures dont Perpignan ne devait pas revoir les couleurs. (..) Voici de nouveau Germain Bonel parmi nous. Un éloignement, pendant trois ans de la foire aux nouveautés picturales ne pouvait que servir Bonel et faire sentir qu'une telle peinture avait gagné en liberté sans perdre de la rigueur, de la pureté, de la sobriété des meilleures œuvres de 1962. (..) Ce sont toujours les mêmes savoureuses et solides transpositions architecturales des êtres et des choses à l'aide de plans discrètement géométrisés dans lesquels contrastes et passages s'équilibrent.
Il est difficile de rester insensible devant une telle peinture parfaitement harmonieuse, grave sans être austère, colorée sans inutiles accents, une peinture dans laquelle règnent l'ordre, la santé, une certaine élégance rustique et l'esprit.
George Besson - Extrait " les lettres Françaises " 23/12/65

Une peinture qui vit, explose et déborde...
Germain Bonel, peint depuis une bonne quarantaine d'année. Dans son art, à l'origine, on découvre des coups de chapeau aux maîtres de ce que l'on peut appeler l'école nord-catalane de l'entre deux-guerres mais aussi des emprunts aux notoires expressions qui tenaient le haut du panier, à Paris et dans d'autres capitales: géométrisme, néo-cubisme, synthétisme vériste, naturalisme dévoyé, plus un petit vertige d' abstractionnisme sans lendemain. (.)
VIGUEUR...
Dés le départ, on sent chez lui un engouement certain pour les belles et bonnes choses de l'existence quotidienne...(.) la nature pétrie de contrastes, les coins de table familiers mangés d'ombre et de lumière, dans leur austère et pourtant fulgurant délire de fruits, de fleurs et d'objets de tous les jours, les joueurs de cartes, les cyclistes, les mères à l'enfant, autant de thème qui lui restent encore chers maintenants, et qu'il approfondit en distendant les formes, en faisant la nique à la perspective, en épurant le graphisme qui demeure pourtant incisif et autoritaire. Bref, fidèle à l'essentiel - faisant exploser, sans filet, tout ce qu'il y a en lui de goût pour la vie, le rythme, le mouvement, et d'acquiescement aux choses de la vigueur, de l'affirmation, du dépassement, du sensuel à l'occasion.
ELLIPSES...
Son affirmation de départ, c'est le dessin, toujours très présent dans ses compositions ; un dessin volontiers mangé de noir et pouvant aller jusqu'au cerne. On a souvent relevé son côté anguleux, presque sauvage, mais excellent quoiqu'il en soit à rendre les structures déterminantes de ses thématiques, elles mêmes organisées selon les lois de la géométrie et de mise en espace à la fois élémentaires, justes et terriblement efficaces.
S'ajoutent à cela une volonté d'ellipse. La pratique d'une gamme de coloris qui n'appartiennent qu'à lui, dans le double combat des valeurs sonores, et des emprises non pas froides mais somptueusement sombres, plus une tendance violente (il y eu de cela un temps chez Pignon) de réduire un thème à son essence, dans l'ordre de la puissance (le sport), ou de la tendresse quasiment animale (les maternités).
VOLUPTE...
On sera à juste titre impressionné par ses dernières compositions d'assez grands formats, voués aux nus, aux mères, aux solides visiteuses, toiles plus économes, plus "rondes" mais pas assagies du tout puisque déployant, sur ces thématiques simples mais prenantes, des trésors d'expressivité, de volupté païenne et de violence contenue de justesse.(.)
Jean Thiery - Extrait Midi Mibre 19/11/88
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« Je suis heureux d' avoir à parler du peintre Bonel et souhaite que sa première exposition le révèle au public de la capitale. Il donne par son travail suivi, la garantie d'un VRAI peintre. Sa nature est généreuse, doublée d'un enthousiasme constant aux spectacles de la VIE. Dessins, valeur, couleur, tout est utilisé au maximum dans sa peinture. Tout s'insère, se grave, se construit dans les plans et les valeurs, s'articule comme un rythme de Sardane. »
François Desnoyer, 1962

« lorsque le sentiment se trouve par tout le corps exprimé, il devient attitude. Dans les toiles de Bonel les corps sont d'autant plus faux que les sentiments exprimés sont vrais. C'est dans l'attitude d'une femme, que se mesure la force de l'amour maternel. Théatrale et expressionniste à la fois, la peinture de Bonel conserve les formes existantes, les soumets à sa volonté de peintre, les dilate, les étire ou les tronque jusqu'à ce q'elles n'évoquent plus au premier coup d'œil que le sentiment qui a décidé de leur choix. »
Galerie Michel Bourcy - Toulouse, 1988
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