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Emmanuel Bolzoms

 

Emmanuel Bolzoms

On peut difficilement écrire sur la peinture d’Emmanuel Bolzoms sans évoquer son atelier dans lequel son monde très protégé se déploie. De grandes toiles peintes à la façon de Chardin ou bien sombres comme d’immenses peintures de Velasquez que d’anciens ministères auraient laissées là, à l’écoute des corridors, masquent les murs noirs.
De ces toiles-là, Emmanuel Bolzoms ne parle guère, tout juste d’un revers de sa main légère. C’est qu’elles sont très personnelles ; certaines d’entre-elles représentent l’artiste, autoportrait en noble écuyer, fier aristocrate chevauchant son pur sang. La passion des chevaux est prégnante, Emmanuel Bolzoms est aussi un cavalier émérite. Odeur de cuir chaud, harnais, selles, bottes, mords encombrent le vestibule jusqu’à l’escalier principal. Les différentes pièces de l’atelier sont enduites de peinture noire et des étagères surchargées de livres et d’objets curieux, trouvés, achetés ou qu’il fabrique lui-même envahissent ou bien s’enfoncent dans les murs. Ce pourrait être un cabinet de curiosité bien sûr, mais c’est plutôt un monde réduit ou plus justement encore, ses miscellanées personnelles qui alimentent, entre autres, sa peinture, celle qui ira au grand jour. Car, lui, n’y va guère au grand jour, sauf pour chevaucher, bien sûr.
Emmanuel Bolzoms est un bel homme, lumineux, élégant, discrètement dandy, souriant mais qui d’emblée préfère prévenir de sa farouche misanthropie. C’est cette suspicion irréductible à l’égard de notre monde et de ses contemporains qui alimente sa peinture, celle qu’il montre. Il peint sous le coup de l’agacement, rapidement, instinctivement, souvent la nuit, des personnages difformes qui sont des protubérances, des boursouflures mais surtout pas des caricatures. Il se moque pourtant de ces excroissances qui nuisent à la beauté du monde, qui hurlent leur douleur, végètent dans leur bêtise, vagissent à l’air libre. Il peint leurs doutes, leur fragilité, leur petitesse en réunion. Il finirait presque par les aimer les humains sous cette forme de saucisses, de fortes poitrines ou de petits gumies… comme il les nomme.
La peinture est volage, accélérée mais précise. Il peint depuis quelque temps dans des tons clairs et plutôt chauds. Il a réalisé auparavant certaines peintures sombres qui sont aujourd’hui dans des collections privées, comme cet homme impeccable en costume trois pièces, assit dans un fauteuil de cuir et tenant sur ses genoux un énorme poulpe visqueux comme s’il tenait une bimbo généreuse. La façon autant que le cadre sont d’une redoutable efficacité.
Emmanuel Bolzoms a bien essayé de se laisser former par une Ecole d’Art, il y a longtemps, mais il n’a pu tenir que quelques mois et a très vite préféré s’enfoncer seul dans des études d’histoire de l’art pour s’entourer de ces livres qui le font peindre avec gourmandise et soigner ainsi sa méfiance d’un monde qu’il sait si veule.

Philippe Saulle - 2009

Le point de vue de la galerie

Un artiste doit-il surprendre ? Oui, bien sûr, sinon il se plagie lui-même et régresse au rang de “faiseur”.
Les nouvelles peintures d’Emmanuel vont plus loin, elles saisissent et déconcertent. Le soir du vernissage nous écouterons gloser : il y aura les pour et les contre : « c’est mieux, moins bien, tellement délicieux » ou encore « si affreusement scandaleux...». Pour nous ce sont les tableaux qui jugeront les gens qui les regardent... Tels des miroirs implacables, c’est aux spectateurs qu’ils renvoient.

Cette parade de la comédie humaine fait défiler des personnages qui ont le nez trop long, pointant vers le bas pour indiquer leur nature terrienne et prosaïque ; des bouffons graveleux, des gloutons profanes qui dévoilent sans vergogne leurs penchants libidineux. C’est des goinfres sans scrupules qui « se tapent la cloche » vautrés sur les boursouflures de leur orgueil ; entre l’étal du boucher et celui du confiseur.

Pour y voir plus clair on pourrait diviser son travail en trois genres:

Mythologie personnelle  : « Safari anatomique et distorsions physiologiques » .
Nous assistons à une catharsis théâtrale où il met en scène son propre être intérieur pour atteindre ses démons. Il a crée ce déluge pour noyer son soi moléculaire. La bataille est auto destructrice, mais son ennemi n’est pas lui même, il lutte contre l’armée des « monstres » retranchés dans des camps microscopiques établis dans son propre corps.

Mythologie locale : « Il n’y a rien de plus sérieux qu’un enfant qui joue ».
Son regard devient tendre, l’ironie bienveillante et l’ambiance presque bonhomme. C’est toute la candeur de Bolzoms, galopin impénitent narrant l’ambiguïté de notre époque, ce mélange de sauvagerie inimaginable et de bons sentiments.

Mythologie classique : « Fonds séraphiques pour un burlesque gras » .
Dans ce monde sans transcendance, l’égotisme ambiant hypertrophie les corps et la morphologie est complètement ré-inventée au grès de nos mœurs obsessionnelles. Nous assistons à une réification de l’homme, il a perdu toute dignité et se retrouve ainsi « chosifié » . C’est la rupture avec la vision classique aux canons de beauté harmonieux, ordonnés et divinement cosmiques, les cieux préraphaélites semblent annoncer un ange, pour accuser le paradoxe du chaos organique de nos androïdes contemporains.

Bolzoms est un peintre « dégagé », sa puissance créatrice bouscule le goût et son délire jubilatoire nous promène indifféremment de la science fiction aux cartoons en passant par l’inquiétante étrangeté métaphysique.

Dans « Mythologie personnelle », certaines expressions sont empruntées à Bernard Marcadé, parlant du peintre Georges Condo.

Texte exposition 2005

Emmanuel Bolzoms nous ouvre les portes d’un envoûtant cabinet de curiosités. Ici, le curieux n’est pas seulement un collectionneur de la bizarrerie, il y cherche des correspondances pour surprendre les différents aspects de l’animalité depuis le processus de la création. Tout naturellement le mythe s’impose, éclairant et la complexité de l’être est explorée à travers les portraits impitoyables des grandes figures mythologiques : on trouve la bestialité dans la métamorphose du tyran Lycaon, la perversité dans la posture faussement soumise du sphinx, la bêtise chez un Midas encravaté à l’air bonasse.

Pour ce peintre qui exècre la médiocrité, le mythe traité avec profondeur et austérité tend à élever l’art vers
le sublime. Une telle audace pourrait faire sourire aujourd’hui, mais sa peinture est résolument atypique. Son style n’est ni pompier ni grandiloquent, au sublime se mêle toujours la dérision, à la cruauté, le grotesque, au beau, le laid. Sa peinture est extravagante et baroque.

Une pluralité de personnages d’ailleurs hantent le peintre et viennent compléter sa galerie de portraits :
Dougy, l’enfant au regard d’adulte, les Goumies, sortes d’enfants fœtus malicieux, les hommes calamars visqueux et lubriques constituent entre autres une singulière mythologie personnelle. Aucune liste ne peut être exhaustive et les personnages réapparaissent ou s’inventent au gré des règles d’un jeu raconté au fur et à mesure par un enfant cruel et extralucide.

La curiosité et une sourde subversion sont motrices dans ces tableaux aux situations et personnages décalés. La cruauté est expérimentale et le spectateur s’étonne du comportement des sujets cobayes : les corps mous et résignés de petits êtres prêts à se faire croquer, le regard désespéré d’une tête de bœuf sur un tas de barbaque, les yeux fous d’un mâtin vorace. La causticité et la dérision sont aussi maîtresses dans cette œuvre où le poseur est mis à mal. Quatre hommes fort sérieux encerclant un jouet coloré et moqueur suggèrent le fiasco d’un mécénat d’universitaires, un homme triste est emporté par son nez phallique.

L’avidité, la détresse, la naïveté, le sérieux, tous les sujets morts ou vifs sont animés de sentiments immortalisés.
L’art bolzomien est vivant et curieux, c’est un hymne à la vie dans ce qu’elle a de plus complexe
et mouvementé. Peut-être devrai-je dire l’art bolzomique, l’adjectif étant mieux choisi pour parler d’une œuvre qui à le retentissement d’une explosion.

Camille Delpech