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André Eulry

 

Extraits de correspondances de 1955 à 1970

1955
La peinture pour qui est honnête aujourd'hui n’est vraiment pas une démarche de tout repos. Il est nécessaire de tout remettre en question. Cézanne disait déjà qu’il fallait trouver « une logique neuve et originale ». Comme la musique, la peinture est devenue autonome, c’est à dire sans autre argument que ses propres moyens, accords de forme et de couleurs... L’époque moderne est de plus en plus à la spécialisation, ainsi de nombreux éléments hier encore associés à la peinture lui sont devenus étrangers en étant assumés par d’autres arts: photographie, cinéma, théâtre, etc...Ce qui la déshabille de plus en plus de tout ce qui n’était, au fond, pas vraiment elle.
... En peinture, nous considérons comme littéraire la description extérieure et sans rapport direct avec l’expression plastique... La Pastorale n’a que faire de paroles pour chanter la nature, elle en est l’équivalent musical... Peu de gens soupçonnent ce qu’est réellement « la peinture » , la vraie...celle qui peut se passer de titre ! Je ne fais moi-même que la soupçonner sans pouvoir la dévisager... Quand entrerais-je dans la ville-fortifiée-peinture... J’ai souvent peur de rester rôdeur autour des remparts.

1956
Pour moi, j’essaie de retrouver l’élémentaire, en ce moment je m’applique donc à rechercher , comme ils me viennent spontanément à l’esprit ou au cœur, des thèmes rythmiques et colorés élémentaires... Cette démarche, je crois, se rapproche beaucoup de la musique (ces questions de rapport musique- peinture me préoccupent depuis presque aussi longtemps que je pense en peinture). C’est passer du « Poème symphonique » tiré d’un argument, à la musique picturale pure - sans titre littéraire.
Ce que je fais actuellement est résolument tourné vers un langage abstrait (du moins pour le quidam, car pour moi, je n’ai jamais été aussi concret). Je me consacre uniquement à l’étude de rythmes et de matières premières sur nature. Racines, cailloux, branchages, écorces...Toutes choses d’une très grande richesse vitale et picturale lorsqu’on y regarde de prés, et la vie cosmique y est souvent beaucoup plus forte que dans de grands ensembles aux valeurs atmosphériques enveloppantes. Il y a à l’intérieur de l’élémentaire un monde de formes, d’univers, plus vaste de beaucoup, que celui qu’offrent aux yeux les étendues moyennes que ceux-ci ont l’habitude d’embrasser ordinairement. Je resserre chaque jour les mailles de mon filet et cependant de plus en plus celui-ci s’agrandit. J’ai chaque jour la joie de retrouver dans ces fragments de la nature, les grands mouvements dont je vois qu’à l’extérieur elle s’anime, c’est cela qui me passionne.

1970
La beauté est cruelle... mais j’aime l’existence de cette beauté plus que ma peine et cette souffrance là est bonne. Heureux sommes nous d’en souffrir violement... Je crois à quelque chose, il y a quelque chose - et je suis heureux au fond - la beauté existe - il n’y a même qu’elle qui existe - Braque dit « la vérité existe, on n’invente que le mensonge » - Tendre vers elle, quoi de plus merveilleux même à travers tous les échecs...